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L’Ethiopie et la Libye, les deux cauchemars de l’Egypte

Le barrage de la renaissance sur le Nil bleu en Ethiopie et la poudrière libyenne, font courir le gouvernement Sissi. Ces deux sujets brûlants inquiètent également le peuple égyptien. Du Caire aux confins du désert frontalier avec la Libye, les populations sont très sensibles à ce vent bicéphale au parfum de crise sociopolitique, qui les menace.


Les dessous des bras de fer qui opposent, l’Egypte à l’Ethiopie d’une part, et d’autre part à son voisin libyen, n’intéressent pas le citoyen lambda. Ce sont plutôt les conséquences à long terme qui aiguisent la curiosité des uns et des autres. Agriculteurs, pêcheurs, transporteurs se posent de plus en plus des questions superstitieuses sur l’avenir de leur secteur d’activité respectif.

D’un côté, on n’arrête pas de se demander comment gérer l’or bleu au temps du barrage éthiopien sur le Nil. Et de l’autre, c’est l’impact sur les ressources halieutiques qui taraude. Pour un pêcheur comme Khaoui, son activité va sans doute porter des balafres de ce projet éthiopien. « Selon les experts, le Nil va prendre un grand coup avec ce barrage en Ethiopie. Et si le Nil prend un coup, notre pêche ne sera pas épargnée. N’est-ce pas la fin et la mort de notre pêche ?« , se demande-t-il.

Visiblement, l’avenir du Nil trouble la quiétude de cet Egyptien. Mais loin de la capitale, chez les habitants de Siwa, la priorité est autre. Ici, à 560 km du Caire, on se focalise déjà sur les dommages collatéraux que pourraient entraîner une intervention militaire en Lybie. « Si notre armée intervient en Libye, nous serons les premiers à subir les conséquences« , décrit Yassir. Ce vieil agriculteur ne réfute pas la peur de son compatriote pêcheur. Mais pour lui, « sans la sécurité, l’Egypte ne pourrait pas vivre du Nil« .

Protéger le pays de l’intérieur serait mieux

« L’Egypte ne restera pas inerte face à une menace directe sur sa sécurité nationale et celle de la Libye« . Cette déclaration du président Al-Sissi est loin d’être vaine. Après l’avoir prononcée le 16 juillet 2020 lors de sa rencontre avec des représentants des tributs de l’Est libyen, il n’a pas tardé à la concrétiser. Le coup d’éclat viendra le 20 juillet, jour où les députés égyptiens ont donné le feu vert pour une intervention militaire en Libye. L’armée égyptienne s’affaire depuis pour cette nouvelle mission. Elle n’attendait que les forces du Gouvernement d’union Nationale (GNA), reconnu par les Nation Unies, franchissent la ville de Syrte, fief du Maréchal Khalifa Haftar. C’est d’ailleurs la seule condition imposée par le parlement égyptien.

L’approbation du parlement ne donne pas forcément un bon aloi à cette stratégie militaire. Dans l’oasis de Siwa, bien que la question sécuritaire soit prioritaire,  beaucoup préfèrent de loin, une protection de l’intérieur. « Pourquoi ne pas plutôt renforcer la sécurité à toutes nos frontières avec la Libye, au lieu d’aller les provoquer sur leur territoire ?« , suggère Yassir. Sa défiance est très contagieuse et se répand au sein de presque toutes les coopératives agricoles de la région. Loin des champs, et pendant de petites réunions, la question s’incruste toujours dans les débats. Et à défaut de requête à l’endroit du gouvernement, on se remet désespérément au divin. « Cette séance de prière, c’est pour demander la grâce et la protection pour nos terres. On implore Allah, afin que cette intervention de notre armée en Libye n’arrive jamais« , précise Akil.

Ce membre actif de l’un des plus grands regroupements d’agriculteurs de Siwa est aussi transporteur. Et ses expériences des routes du désert lui permettent déjà d’augurer les grands dangers qui pourraient succéder la présence militaire de son pays en Libye. « Moi je fais le transport à travers le désert vers la Libye, et déjà ce n’est pas du tout sécurisé. Donc je vous jure que ça va être pire si on donne des raisons aux rebelles des se pointer sur notre territoire« , a-t-il clarifié. Il va même plus loin : « Notre président devrait vraiment revoir cette envie d’intervenir et penser à une autre façon de nous protéger« .

Avec ses 33.000 habitants, Siwa n’est qu’une petite portion des 1115 km de frontières terrestres que partage l’Egypte avec son voisin de l’ouest. Mais si ici, on se préoccupe plus des conséquences de la crise libyenne, c’est à cause de l’état poreuse du désert à proximité. Toutefois, ailleurs comme à Marsa Matruh, une sérénité se développe malgré le rapprochement avec les zones désertiques. Dans cette petite ville au bord de la mer méditerranée, on considère le cessez-le-feu d’octobre 2020, comme la garantie de quiétude. « Le conflit libyen est en pause depuis. La Libye a son nouveau premier ministre. Donc nous on a plus rien à craindre ici. Notre armée restera ici pour protéger nos frontières. On peut oublier la Libye et s’occuper de nos problèmes« , insinue Salim, un patriarche de Marsa Matruh.

Comme l’affirme Salim, la crise libyenne est loin d’être le seul gros problème du peuple égyptien. Dans le placard des soucis, repose bien le dossier du barrage éthiopien.

Le barrage de la renaissance est une punition

En Egypte, le barrage de la renaissance, œuvre gigantesque de l’Ethiopie, est très populaire. C’est peut-être le chantier non-égyptien, le plus connu du moment. Du Caire à Assouan, il suscite d’ailleurs le même cri d’angoisse : « que subira notre Nil ?« . Près de la première cataracte du Nil, à plus de 800 km de la capitale, cette angoisse rappelle des perturbations écologiques. Celles engendrées par le haut barrage d’Assouan lui-même.

« Le barrage d’Assouan nous a déjà volé une grande partie du Nil et cela a été très dur« , se remémore Shakir. Ici, il n’y a pas que les pêcheurs comme lui, qui craignent les menaces du barrage de la renaissance. Même dans un modeste costume de guide touristique, Walid trouve facilement les mots pour se déguiser en écologiste. Très succinct, il prévient : « ce que je peux vous dire, c’est l’écologie du Nil qui va être bouleversée. Mon père est un témoin des conséquences du barrage d’Assouan et ça va se reproduire en pire ». Il prend même pour preuve, les vestiges de certains sédiments, avant de nous conduire vers des agriculteurs.

Pour Walid, « mieux qu’un environnementaliste, les cultivateurs sont le miroir du Nil de demain« . Effectivement, la punition du barrage de la renaissance se lit aussi bien dans leurs propos que dans leurs regards. Certains comme Moustakbal, qui hier, avait abandonné des terres à cause du barrage d’Assouan, se pose des questions : « cette fois-ci, qu’allons-nous subir ? La sécheresse ou l’inondation de nos terres ?  En réalité quelles seront les conséquences pour notre agriculture ?« .

Cette série de questions, rendrait-elle le Nil plus pertinent que la menace sécuritaire à l’ouest du pays ? Loin d’une comparaison, les deux sujets forment une paire d’épines dans les talons de l’Egypte actuelle. Et comme le confirme Khaoui : « Ethiopie ou Libye, c’est deux situations, qui aujourd’hui, touchent le cœur de notre société« .


Covid-19 : essoufflée, l’Egypte change de stratégie contre le virus

Ailleurs comme en Egypte, la Covid-19 fait bien parler d’elle en ce début de nouvelle année. Entre recrudescence de nouveaux cas et défaillance du système sanitaire, le pays des pharaons retient son souffle. La pression et l’inquiétude grandissent et poussent le gouvernement Sissi à resserrer la vis.


La pandémie flambe en Egypte avec des chiffres alarmants : ils sont passés de moins de 200 cas en octobre 2020 à 1400 cas par jours en janvier 2021.  Ces indicateurs risquent de conduire le pays à un confinement total selon la ministre de la santé, Hala Zayed.  

De son côté, le premier ministre égyptien, Mostafa Madbouly tape du poing sur la table. Visiblement, il en a assez de l’indiscipline et de l’irresponsabilité des uns et des autres face au coronavirus. Malgré sa dernière sortie du 23 décembre 2020, les mesures de lutte contre la pandémie peinent à être respectées. Résultat : le port du masque et certaines mesures sanitaires deviennent une priorité ; et ce, sous un contrôle policier rigoureux.

Une amende pour motiver au port du masque

Au Caire, plus précisément dans des quartiers populaires, une image inédite attire l’attention depuis le 1er janvier : tous les riverains munis d’un masque. C’est une preuve que le port du masque est désormais obligatoire et très surveillé. Et mieux, tous les réfractaires courent une peine pécuniaire de 50 livres égyptiennes (soit 12 euros ou 1500 francs CFA). « On s’en foutait avant des masques. Mais maintenant, c’est très sérieux. Personnellement, je préfère mettre le masque que de payer une somme que je peine déjà à gagner », confie Lofty.

Comme l’explique ce quinquagénaire, l’insouciance vis-à-vis du masque d’il y a quelques mois, est en train de disparaître. Habitant de Maadi, l’un des quartiers les plus boycotteurs du masque, il loue malgré-lui, la nouvelle stratégie du gouvernement. « Sans cette amende, je vous jure que les gens ici, ne mettront jamais le masque. Voilà que la maladie ne cesse de progresser. Et si le masque peut aider, alors le premier ministre a bien fait de trouver ce moyen de nous l’imposer », a-t-il reconnu.

Cette forme de discipline impromptue, n’est pas vaine. Hormis l’amende en vigueur, la pression policière aussi vient jouer un rôle déterminant.

Patrouille inopinée de la police

La police est plus que jamais aux aguets. Elle est omniprésente à l’entrée des rues. Et l’ultime objectif est de traquer tout citoyen sans masque. Sur l’axe routier Maadi-Ramsès, menant en plein centre de la capitale, le contrôle policier est rude. Pour ce trajet d’environ trente minutes, on peut subir au minimum deux inspections policières inopinées. A chaque arrêt, ce sont les désobéissants comme Brahem, qui font les frais. Pour ce jeune homme, la peine va être double ce jour. En plus de son amende, il est contraint de descendre de l’autobus. « Le bus va continuer sans vous. Vous devez aller vous procurer un masque obligatoirement avant de remonter dans n’importe quel autre moyen de transport. On ne peut pas vous laisser continuer le trajet sans masque », lance un policier à l’endroit du groupe des sanctionnés.

Si cette explication du policier convainc, elle est jugée trop sévère pour Issa, qui se retrouve encore à 7 kilomètres de sa destination finale. Il dit sa consternation : « On est punit et je n’ai rien contre ça. Mais trouver un autre bus à partir d’ici pour Rames, c’est trop compliqué et c’est une grosse perte de temps pour nous. On me prend mes 50 livres et en plus on m’annule le déplacement que j’ai déjà payé ».

La police ne se limite pas qu’aux contrôles routiers. Elle fait régulièrement des descentes fortuites dans les quartiers. Dans la localité de Maadi, les patrouilles portent depuis peu, leurs fruits. La discipline et la prudence retrouvent leur place au sein de la communauté. Il est même fréquent d’assister à une mise en garde entre résidants. Au-delà, d’une simple forme d’entraide, rappeler le port du masque à un proche est un geste salutaire selon Lofty. « J’interpelle les jeunes dans la rue ici, pas forcément parce qu’ils risquent de payer une amende. Mais parce que la situation dans les hôpitaux est grave : autant porter le masque que de se retrouver dans un hôpital et mourir par faute d’équipements sanitaires », prévient-il d’un ton inflexible.  

Le port du masque ne compense pas le manque d’équipement dans les hôpitaux

Le port du masque ne peut pas prendre sur son dos, l’échec de tout un système sanitaire. Du moins c’est ce que pensent certains égyptiens. Les plus loquaces, indexent plutôt le manque crucial d’équipements dans les hôpitaux. « Il n’y a même pas le nécessaire pour permettre aux soignants d’exercer et de sauver des vies », déplore Y.S [pseudonyme], un médecin de Charqiya, au nord du pays. Pour étayer ses propos, Y.S évoque la mort de quatre patients Covid-19, à l’hôpital d’Al-Husseiniya, faute d’oxygène. « Ce jour là, il n’y avait même pas une petite bouteille d’oxygène dans toute la région de Charqiya.» Il rajoute : Et les soignants ont regardé ces quatre patients mourir. Si cela arrivait ici dans mon hôpital, je ne pourrais rien faire aussi sans oxygène », se remémore-t-il.

Cependant, cet évènement macabre relayé le 02 janvier 2021 par un blogueur, a d’une part exacerbé la colère de plus d’un. Et d’autre part c’est la politique sanitaire, qui a amorcé de nouvelles directives. D’abord, différents groupes de discussions sur le réseau social Facebook, ont ouvert la brèche aux critiques. Plusieurs internautes y consacrent du temps et de l’humour  pour dénoncer une mauvaise gestion du coronavirus. « Mais on espère que les cinquantes livres récoltées auprès de ceux qui ne mettent pas le masque, aideront à équiper les hôpitaux de réservoirs d’oxygène », peut-on lire sur une page Facebook.

Cette tribune virtuelle est ensuite renforcée par la voix de plusieurs associations des droits de l’Homme, qui suggèrent pour la plupart, une protection du personnel soignant. Finalement, en ligne de mire, le gouvernement de son côté, tente désormais de redorer son blason. Via son ministère de la santé, il renforce la campagne de sensibilisation sur la pandémie. Et parallèlement, il donne carte blanche à son département de sécurité pour faire respecter le port du masque et autres mesures barrières en vigueur.


Macron-Al Sissi : le duo franco-égyptien qui fait jaser

Le déplacement du président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi en France, n’a pas fini de faire parler. Des voix peu laudatives s’élèvent depuis cette visite du 7 décembre 2020. Elle valait sans doute son pesant d’or pour Emmanuel Macron, en matière de lutte contre le terrorisme. Mais ici en Egypte, c’est la crédibilité de la France, qui a pris un grand coup.


Le président Macron et son homologue Egyptien, Abdel Fattah al-Sissi

Beaucoup d’Egyptiens ont du mal à comprendre cet accueil en grande pompe du président Al-Sissi en France. En première ligne, des associations et ONG de droits de l’Homme. « Comment le président Macron peut-il accepter de recevoir Al-Sissi en cette période où les droits de milliers d’Egyptiens sont violés ? », se demande dans l’anonymat un défenseur des droits de l’Homme.

Régulièrement intimidé par le régime Sissi, ce chevalier des droits personnels se réjouit d’être encore en liberté jusqu’ici. « Pour le moment, j’ai la chance d’être encore là, à défier ce gouvernement despotique », se glorifie-t-il avant de dévoiler son regret. «C’est l’acte posé par Macron qui va peut-être accélérer notre chute. On comptait vraiment sur la France pour rabrouer Sissi et tous ses apprentis sorciers. Mais là, Macron n’est plus un soutien pour notre combat ».

La France, un soutien qui s’éloigne

Le tapis rouge déroulé sous les souliers du président égyptien à Paris, n’a pas que blessé. Tel un sabre, il a rouvert chez certains, des plaies, qui à peine cicatrisaient. I.H [pseudo] en témoigne : « Ceci vient me rappeler qu’on a rien fait depuis tout ce temps. C’est très mauvais pour ces gens qui souffrent en prison et pour ceux qui en sont sortis avec des séquelles ».

Pour ce militant très proche de l’ONG EIPR (Initiative Egyptienne pour les droits personnels), ces derniers mots valent un hommage à trois de ses amis, libérés le 03 décembre dernier. S’il admet l’implication de la France dans ce processus de libération, il ne cache pas pour autant sa désolation. « Jean-Yves Le Drian est passé ici au Caire et a mis la pression pour qu’enfin ces trois membres de l’ONG EIPR soient libres. Donc pour la France c’est tout ? Et tous ceux qui sont toujours incarcérés injustement ? Ceux là ne sont-ils pas humains ?», s’étonne-t-il.

Ne plus compter sur la France ?

A travers ces questions successives, I.H traduit les inquiétudes de beaucoup d’autres. Surtout ceux, qui désormais ont peur de s’exprimer sur le sujet. Même sous couverts d’anonymat, il est très difficile pour des citoyens lambdas de lâcher, ne serait-ce qu’une petite phrase. Visiblement, I.H ne craint pas d’être le bouc-émissaire de toute cette catégorie de personnes. La seule possibilité de rester derrière son pseudonyme, est un rempart suffisant. Ce qui  lui permet largement de déclarer sans se soucier des représailles : « Un pays où des gens ont peur de parler de leurs droits. C’est une grande régression de ne pas pouvoir parler de soi. Et cela fait du président l’un des pires aux yeux du peuple ».

Mais le plus inquiétant, c’est la velléité qui s’enracine dans le camp des militants pour les droits de l’Homme. Et tout comme I.H, Farid, indexe sans circonlocutions la France. Pour ce journaliste-blogueur, « il va falloir ne plus compter sur la France, un pays d’hypocrites qui chante les droits de l’Homme mais, qui donne les moyens à un autocrate de brimer son peuple. Pour les droits de l’Homme, les institutions spécialisées doivent chercher le soutien auprès des USA et ailleurs. La France au temps de Macron ne peut rien pour nous ».

La France réconforte désormais Al-Sissi

La diplomatie française a certes favorisé la libération de trois membres de l’ONG EIPR mais aux yeux des Egyptiens, cela n’a rien d’honorable. Les rares à l’image de Farid, qui s’expriment encore sans craindre la riposte, le rappellent d’ailleurs. Pour lui, « libérer trois personnes sur plus de 60 000 ne suffit pas à faire de Sissi un héro en France».

Dans ses propos, Farid n’a pu s’empêcher d’évoquer la légion d’honneur décernée au président égyptien. « C’est inconcevable », rappelle-t-il avant de renchérir : « Une légion d’honneur c’est pour quoi, si ce n’est le réconforter dans sa position d’oppresseur ?».

Au-delà des frontières égyptiennes, cette nomination du président Al-Sissi dans l’ordre de la légion d’honneur, n’a pas plu. Bien avant Corrado Augias, le journaliste italien qui a décidé de rendre sa Légion d’honneur ; Bénédicte Jeannerod, responsable de Human Rights Watch pour la France, avait déjà flagellé l’Elysée. Invitée sur le plateau de France 24, le 17 janvier 2019, elle n’a pas hésité à rappeler qu’Emmanuel Macron « n’est pas à la hauteur de ses promesses », parlant des droits de l’Homme.

Des actes impromptus comme celui de Corrado Augias seraient des atouts selon Farid. Lui, qui a son site et son blog suspendus depuis bientôt un an, ne compte plus que sur l’engagement des Egyptiens de l’extérieur. « Ici on est tous désarmé dans cette lutte pour les droits humains. Et en plus de ça, notre président va trouver du soutien auprès de l’Etat français. Il faut maintenant que les Egyptiens au Canada, aux Etats Unis et un peu partout s’engagent à 100% », a-t-il souhaité.

Des non-Egyptiens s’expriment aussi

Des Libyens et des Turcs vivant en Egypte, font une autre analyse du sujet. Même si certains restent timorés et craignent pour leur statut de refugiés, d’autres prennent le risque de placer un mot sur le couple Macron-Sissi.

Pour les Libyens, le Président égyptien représenterait le moyen habile et détourné pour imposer le verdict de la France à Tripoli. C’est du moins, ce que tente d’expliquer M.B [pseudo] : « Sissi mérite sa Légion d’honneur puisqu’il est l’un des pions du jeu d’échec que joue la France chez moi, en Libye ». Très rétrospectif, ce Libyen de 36 ans ira même plus loin en comparant le duo Macron-Sissi à celui Sarkozy-Kadhafi. « C’est la même chose que nous Libyens avions vécu. On souffrait de l’oppression quand Sarkozy a eu l’audace de recevoir solennellement le colonel Kadhafi », se remémore-t-il.

La communauté turque aussi tente de s’approprier la situation. Ici, si on ne peut parler d’une forme de répétition de l’histoire, on se penche sur le bras de fer Macron-Erdogan. Dans le strict anonymat, plusieurs membres de cette communauté ont instinctivement fait le lien avec Ankara. L’un des avis les plus explicites viendra d’un opérateur économique. Derrière ses initiaux « R.Y », celui-ci va préciser : « Pour faire mal à Erdogan, la France doit forcement chouchouter Al-Sissi. Même s’il faut mettre mal à l’aise les droits de l’Homme, Macron soutiendra le gouvernement égyptien. En tout cas pour embêter Erdogan, il fera tout ».

Toutefois, ces subterfuges tiennent lieu d’une petite portion de la partie invisible de l’iceberg. Que la Turquie, ou la Libye soient dans le jeu, cela ne répond pas aux inquiétudes de l’opinion publique égyptienne. Elle, qui tente toujours de comprendre la complaisance de la France.


Football : le racisme est aussi dangereux que contagieux

Si le Covid-19 suspend les matchs de football, le racisme le peut aussi désormais. Les téléspectateurs en ont eu la preuve lors du match de ligue des champions opposant l’équipe du Paris Saint-Germain au club turc de Basaksehir, le 8 décembre 2020.


Pour une fois, des joueurs ont, à l’unisson, boycotté une rencontre. Cet acte aussi symbolique et inédit n’a laissé personne indifférent. Il pousse même à se demander si arrêter un match de football pourrait être la panacée contre le racisme dans ce sport ? 

Votre réponse à cette question, n’aura peut-être pas l’effet de celle de Samuel Eto’o en 2019. Il déclarait sans fard à la Gazzetta dello Sport : « bien sûr qu’il faut quitter le terrain. Le football déplace beaucoup d’argent, mais la plupart des acteurs qui le génèrent sont noirs. Si un jour, avec l’appui des joueurs blancs, ils décidaient de ne pas jouer ici, je pense que tout changerait rapidement. »

Le coup de théâtre au parc des Princes ce 8 décembre 2020, fait de l’ancien attaquant camerounais un prophète. Il s’agit aussi d’une preuve confirmant que seuls les footballeurs eux-mêmes pourraient mettre fin à une hémorragie dont souffre depuis toujours leur sport. La victoire contre le racisme ne viendra malheureusement pas des dirigeants ni des arbitres. Les premiers, entichés  d’attentisme, nient parfois même l’existence du racisme. « Le phénomène raciste dans le sport et dans le football en particulier n’existe pas ou peu« , déclarait Noël Le Graët, le président de la Fédération Française de Football. Et les deuxièmes, eux, perdent désormais la confiance de tous puisque c’est l’un d’eux, qui sans scrupule, lance « négro » à l’entraîneur adjoint du club stambouliote.

Il faut humblement reconnaître l’incapacité des prescriptions juridiques de l’Union des associations européennes de football (UEFA) face au racisme. Des sanctions pour deux, trois ou quatre matchs n’ont rien de symbolique. Les peines pécunières au parfum de quelques billets d’euros sont loin d’être efficaces comparé à la complicité dont ont fait preuve les footballeurs lors de ce match désormais daté.  

La victoire du PSG (5 buts à 1) au lendemain de l’incident, pourtant décisif, est vite passée au second plan. C’est plutôt des genoux à terre et des poings levés qui ont récupéré l’effervescence de la qualification du club français. Et là encore, c’est le fruit d’une unité entre footballeurs qui a été mis en exergue. A la place de Pierre Achille Webó, personne ne devait se réjouir d’une sanction d’un arbitre provocateur. Mais l’on peut se sentir heureux d’avoir été au cœur d’une forme de nouvel étendard contre le racisme. La seule reconnaissance que mérite Sebastian Coltescu, l’arbitre roumain, est d’avoir ressuscité cette audace des footballeurs. Laquelle audace serait très utile pour rééditer l’interruption totale de tout match, au moindre propos ou acte raciste.

D’aucuns penserait qu’arrêter un match à cause du racisme est exagéré. Mais pas du tout. Tel le coronavirus, le racisme est aussi dangereux que contagieux et ne saurait déroger à la règle de suspension d’activités sportives. Surtout que lui n’a pas encore son vaccin. Du coup, il faudra vraiment miser sur le boycott de match et même de compétition.


En Egypte, c’est dans le silence qu’on bourde Macron et la France

Le sentiment antifrançais que l’on prête depuis peu à certains pays d’Afrique, se développe et gagne du terrain. Les propos d’Emmanuel Macron le 22 octobre 2020 sur les caricatures et l’islam, ont exacerbé les tensions un peu partout. Au Mali, en Libye, au Sénégal, des musulmans ont manifesté publiquement pour l’honneur de leur prophète. Mais ici en Egypte, à défaut de manifestants dans les rues, c’est plutôt des initiatives individuelles et discrètes qui s’érigent contre la France.


En Egypte, le calme dans les rues est épatant en cette période ou certains pays musulmans et du monde arabe se révoltent contre la France. Ici aucune manifestation populaire appelant à boycotter. Et Jean-Yves Le Drian, chef de la diplomatie française peut en témoigner. En visite au Caire le 08 novembre dernier, le ministre français a eu la chance de toucher du doigt la réalité sur les terres égyptiennes.

Ce climat égyptien bien tempéré arrache-t-il à la France sa posture de timoré en ce moment ? Bien sûr que non. Autrement, l’Elysée n’aurait pas mandé Le Drian de cette mission d’apaisement dans ce pays à majorité musulmans sunnites [environ 95%]. Même si ce dernier a assuré : « J’ai rappelé et je rappelle ici le profond respect que nous avons pour l’islam … Ce que nous combattons c’est le terrorisme, c’est le détournement de la religion, c’est l’extrémisme« . Une partie des égyptiens n’en est pas convaincus. Ils  cherchent plus que jamais des voies et moyens pour se faire entendre.

Le Drian n’a pas vu la révolte dans les rues égyptiennes, mais elle existe

Des Egyptiens en veulent à Macron. Et ils le font savoir depuis quelques jours par une distribution discrète de tracts. Sur ces feuilles au format A4, on peut voir une photo du président français légendée par la phrase : « Respecte mon prophète / Tout sauf la France ». Dans les rues du Caire, la campagne de tracts commence par séduire. Des pharmacies ou des supermarchés de quartier en font déjà une affiche à leurs différentes entrées.

L’objectif principal est de « rappeler à la France de cesser de porter atteinte au prophète Mahomet », précise Moumou. Cet employé d’une société de livraison au Caire, prend au sérieux le nouveau combat. Sur sa moto de fonction, il trouve même un petit espace pour le tract « anti-France ». Mais d’où a-t-il reçu cette feuille de propagande ? « D’Icham, un ami de longue date », révèle-t-il. D’ailleurs c’est avec ce dernier que Moumou déjeune ce jour là. L’instant de la pause est ouvert à d’autres jeunes en face d’un café estampillé du même tract que celui de la moto de Moumou. Ici les discussions dédiées à la France, fulminent sous la supervision du leader : Icham. Le trentenaire refuse de dévoiler la source de ses tracts, mais promet sans fard : « La distribution va continuer jusqu’à ce que la France et son président arrêtent de mépriser notre religion, l’Islam ».

Même sans convictions, certains s’engagent

Le spectre de la révolte gagne du terrain au sein d’une couche juvénile qui, parfois se montre suiviste. Visiblement certains s’engagent juste par solidarité. «Moi j’ai juste accompagné mon ami et je ne savais pas que c’est pour parler de ces papiers sur la France », explique Mofti, un participant. Pourtant, celui-ci va repartir avec un lot d’affiches à distribuer aux commerçants de son quartier.

Plus que convaincu de son combat impromptu, Mofti s’est désormais approprié un langage de meneur. « C’est des documents que je vais distribuer dans différentes boutiques de mon quartier. Avec ça, je vais pouvoir motiver les commerçant à boycotter tout ce qui est français », scande-t-il. Pour l’heure, les produits « made in France » ont toujours leur place de choix dans les rayons des supermarchés. Personne ne les renie ouvertement si ce n’est que sur les réseaux sociaux. Twitter, Facebook et WathsApp sont ces  nouvelles armes pour discréditer les multinationales françaises.

Ça reste peut-être une triviale campagne virtuelle, mais elle semble efficace. Sur Facebook, les photos appelant à ne plus consommer du « made in France », se répandent comme une traînée de poudre. Elles traversent désormais toutes les générations. Adolescents, jeunes et vieux, en publient régulièrement avec des légendes les plus belliqueuses. Hassan y contribue activement, avec une moyenne de deux photos publiées par jour. Ce boulanger de 51 ans, reconnait son illettrisme mais n’en fait pas pour autant un obstacle. « Je sais que je ne sais pas trop lire ni écrire. Donc je ne fais que republier des photos et je ne fais aucun commentaire. Moi je mets toutes les photos contre le président Macron et la France. Oui, comme ce que j’ai actuellement ici », clarifie-t-il en indexant sa photo de profil Facebook.

Le regret de ne pas pouvoir aller au-delà des réseaux sociaux

L’image dont parle Hassan, n’est qu’une mosaïque de plusieurs enseignes d’entreprises françaises, cachetée d’un « Stop France ». Elle est l’une des plus courantes et prend aussi pour cible la filiale Maghreb-Orient de la chaîne de télévision TV5.  En Egypte, la chaîne propose des émissions en langue française, sous-titrées pour la plupart en arabe. Toutefois, certains de ses téléspectateurs, avouent ne jamais lui fausser compagnie. C’est le cas d’Abdalallah, un étudiant en commerce.

« Moi j’ai connu TV5 depuis que j’ai eu 11 ans environ. J’ai fait un collège français et TV5, depuis ce temps, m’a beaucoup aidé à parfaire mon français. C’est une longue histoire. Je ne pense pas me passer de TV5. Ça m’aide en fait », raconte Abdalallah, très rétrospectif. Hormis cette clarification exceptionnelle, il ne cache pas son désaccord vis-vis des propos d’Emmanuel Macron sur l’islam. « Je ne suis pas forcément d’accord avec le discours du président Macron sur ma religion. Il y a des choses qu’il a dites qui, attisent la haine plutôt que d’apaiser les tentions. Sincèrement, moi j’ai mal. Mais je ne peux rien contre tout ça »,  avoue-t-il.  

Abdalallah n’est pas le seul à se sentir dans une incapacité. Même les plus entichés de cette campagne de boycott, regrettent de ne se contenter que d’une distribution de tracts. Certains comme Icham, auraient voulu une descente massive et régulière dans les rues du Caire. Mais hélas, prendre les rues sous le régime d’Abdel Fattah al-Sissi n’est pas sans conséquences. Et Icham ne l’ignore pas du tout. D’ailleurs c’est ce qui le pousse à conclure : « la France a trop de chance que nous soyons au temps du président Al-Sissi. On risque la prison à la moindre manifestation dans la rue. Mais je sais qu’on trouvera les moyens pour exprimer autrement cette colère en nous ».


Covid-19 : quand l’Europe serre la vis, l’Egypte la desserre

Belgique, France, Angleterre, Espagne… Ces pays se confinent de nouveau ou se ménagent pour éviter les foudres d’une deuxième vague de l’épidémie de coronavirus. Pendant ce temps, en Egypte, tout se passe comme si la pandémie avait disparu. Même de simples gestes barrières sont difficiles à respecter dans ce pays aux 110 767 cas de Covid-19.

Métro, transports en commun et autres habitudes ont repris leurs trajets et horaires classiques depuis plusieurs semaines en Egypte. A bord, l’effectif pléthorique des passagers attire souvent l’attention. De Sheik Zayed, quartier résidentiel, à la place Tahrir en plein cœur du Caire, le constat est le même.

Durant ce trajet d’environ 1 h 30, on croise rarement des passagers équipés du masque de protection. Et pire, les bus bleus sont pleins à craquer, au point d’offusquer les plus sensibles aux chaines de contaminations. « Ce n’est pas normal que le bus soit rempli ainsi avec seulement deux personnes avec leurs masques. Et le chauffeur s’arrête pour embarquer d’autres personnes insouciantes« , se soucie un passager dans un transport en commun, en direction de la gare de Tahrir. Déchanté, ce passager va descendre malgré lui, avant sa destination. Un geste plutôt exceptionnelle dans une société où les facteurs socio-économiques font oublier la pandémie du coronavirus.

Mourir du Covid-19 plutôt que d’une oppression économique

Avant la pandémie, la situation économique de l’Egypte était déjà moribonde, avec 32,5% des 100 million d’Egyptiens en dessous du seuil de pauvreté. Les différents prêts du FMI ont aidé à corriger le taux d’inflation le temps que le Covid-19 ne vienne percuter la vie économique.

Le cauchemar aura duré plus de trois mois pour certains, comme l’explique Ashraf : « de mars à juillet, ils ont fermé les aéroports et l’accès au tourisme. Et nous, les acteurs du tourisme, nous avons galéré sans l’aide de l’Etat« . En effet, ce guide touristique de 36 ans n’est que l’une des victimes d’un chômage exacerbé par la crise sanitaire. A l’annonce de l’arrêt du secteur touristique le 19 mars 2020, lui et plusieurs de ses collègues n’ont pas tardé à accuser le coup. Dilapidations des épargnes, sollicitations de prêts bancaires et parfois recours aux petits boulots sont les souvenirs qui lui sont restés.

Depuis la relance de l’activité touristique, le 1er juillet, Ashraf rebat timidement sa vie financière. Et il n’est plus question de revivre ce type de chômage, assez éprouvant pour lui. « On est plus prêts à vivre une telle situation. Heureusement que le gouvernement a relancé le tourisme et a aussi rouvert les aéroports. Tout le monde a compris, comme nous, qu’on doit travailler, même si le coronavirus est là. On n’a pas le choix », avoue-t-il.

Même au sommet de l’Etat, on a trépigné d’impatience car les pertes financières auraient été colossales en seulement trois mois. A cet effet, le Premier ministre égyptien, Mostafa Madbouli présageait une perte d’environ 2,25 milliards de livres égyptiennes [équivalent de 130 millions d’euros], uniquement pour l’aviation civile. Sous cette asphyxie économique, il est impensable d’arrêter une seule activité, participative du PIB égyptien.

PIB par secteurs d’activité pour l’Egypte

La machine économique roule désormais avec à son bord le tourisme, l’hôtellerie et sans oublier les secteurs informels. Avec ses 50% de l’emploi total, ces derniers regroupent à la fois les plus vulnérables au Covid-19 et les plus punis de ses conséquences économiques. Doublement victimes, les maillons de l’informel ont appris et sont prêts aujourd’hui à prendre des risques sanitaires pour sauver leurs sources de revenus.

Et quand certains l’expliquent, c’est avec humour : « Ecoutez ! Moi que vous voyez, je suis déjà mort financièrement. Donc ce n’est pas le Covid qui va me tuer. Si aujourd’hui, on vient me dire que j’ai cette maladie, tant qu’elle ne m’a pas tué, j’irai vendre au marché et continuer tous mes business, et sans masque en plus », lâche Momen. Même si les phrases de ce marchand de légumes véhiculent un brin d’incivisme, il assume et n’hésite par à rappeler : « combien de personnes vous voyez avec un masque ? On est déjà habitué au Coronavirus et on va vivre avec« .

L’incivisme renforce le non respect des gestes barrières

Tout comme le jeune marchand, Momen, beaucoup d’Egyptiens ont fini par renier le port du masque. Au début, précisément en février, ils l’ont adulé sous l’effet de la psychose et de la pression du gouvernement. Même Momen l’avoue : « au début, on avait peur du coronavirus et on se précipitait à porter le masque. Et aussi, la police contrôlait. Mais maintenant, cela ne nous dit plus rien du tout« .

Se balader sans un masque n’est plus du tout une infraction. Même des policiers ayant mené la bataille contre les indisciplinés ne s’en servent plus. Aux coins des rues ou encore dans les transports en commun, on les voit fréquemment sans ce premier accessoire « anti Covid-19 ». Si ce genre de geste ne suscite pas vraiment de réactions, il réconforte d’autres négligents. Et c’est à Alexandrie que notre enquête le révèle.

Ici, dans la deuxième ville du pays, des adolescents semblent vite prendre l’exemple sur l’autorité supérieure. Taquiné sur cette question du masque, Hazem n’a aucun complexe à rappeler que « même les policiers n’en portent pas. Ce n’est pas à moi qu’il faut l’imposer ». Etudiant et adepte du « je m’en foutisme », il va même passer la soirée avec cinq de ses amis dans un café. Ensemble les six amis vont profiter du vent de la méditerranée sans se soucier des « clients sans masques », à l’intérieur et sur la terrasse du café.

Hazem n’ignore pas du tout l’importance du masque, sauf qu’il lui revient à lui de choisir quand s’en servir. D’un ton ferme, il se justifie : « le masque est important, la preuve je l’ai dans ma poche. Ici au café ce n’est pas exigé. Je le mets quand c’est nécessaire ; à l’université et dans n’importe quel supermarché ». 

S’il mentionne ces deux entités, ce n’est pas en vain. Elles font juste partie des plus rigoureuses. Celles qui, en matière de port du masque, n’hésitent pas à refuser l’accès aux inciviques.


Crises en Afrique de l’Ouest : la Cedeao aura-t-elle échoué?

Autrefois le Togo, hier le Mali et aujourd’hui et demain, la Guinée et la Côte d’ivoire. Ces pays qui, de par leur situation politique, auront illustré les défis de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). L’institution créée le 28 mai 1975, aura beau été sur tous ces fronts, mais sans empêcher de se poser une question aujourd’hui : a-t-elle encore les moyens de ses ambitions ?

S’il y a un sigle qui revient dans les différentes crises politiques en Afrique de l’Ouest, c’est la Cedeao. Toutes les lèvres évoquent sans cesse ces 6 lettres pour parler de la succession consécutive de Faure Gnassingbé au Togo ou encore la récente transition politique au Mali. L’institution a encore sur ses larges épaules une double crise électorale : Guinée et Côte d’Ivoire. Cette dernière se profile sous le regard des observateurs et met en doute l’omnipotence de la Cedeao.

Elle qui pourtant, sait faire bloc avec la France, l’Union africaine (UA) et européenne. En tout cas, ce sont ces moyens habituels pour condamner, ordonner et menacer de sanctions, toutes les fois qu’il y a eu feu dans l’un des 15 Etats membres.

Dans le rôle du médecin après la mort

Du Togo [crise de 2005] au Mali [coup d’Etat de 2020], la Cedeao et ses experts ont couru, mais pas à la vitesse nécessaire ; au point de n’intervenir qu’après crises. De la Guinée à la Côte d’Ivoire, c’est une sorte de tergiversation, qui a ralenti ses voyages de médiations. Et cela a ouvert aujourd’hui les brèches de conflits fratricides et de crises post-électorales.

Dire aux manifestants et partisans du M5-RFP que cette Cedeao ne pouvait pas atténuer le coup d’Etat du 18 août 2020, crée une contumélie. Pour beaucoup, il aurait juste fallu que l’organisation et ses sages qui savent voir le mal de loin, raisonnent le président déchu Ibrahim Boubakar Keita.

Mais l’intervention vespérale de la Cedeao dans cette crise malienne s’est illustrée par des demi-solutions qui, au lieu de calmer la tempête, ont plutôt fait exacerber de façon viscérale la colère du peuple. Résultat : l’armée s’implique et sanctionne le pouvoir en place, d’un coup d’Etat. Et c’est dans cette posture que la Cedeao retrouve son hobby favori : menacer et infliger des sanctions.

Dans un jeu où prévenir devient de plus en plus fastidieux, ne faudrait-il pas attendre les conséquences fâcheuses d’une crise, pour se servir de l’article 45 du protocole sur la bonne gouvernance et la démocratie. Bien avant le Mali, le Togo est passé par là. Et pire dans ce pays, les menaces de sanctions ont fait long feu. La preuve, rien n’a déjoué le rêve du fils Gnassingbé de devenir autant fort que son père Eyadéma, décédé le 05 février 2005.

En Guinée, l’après élection présidentielle du 18 octobre 2020 redirigera sans doute les avions vers les cieux de Conakry. Le 26 octobre 2020, un conclave de médiateurs s’est déjà déplacé. Le leitmotiv sera d’ordonner astucieusement le respect strict des résultats, faisant d’Alpha Condé le vainqueur dès le premier tour. Mais où était cette mission conjointe Cedeao-UA, quand Alpha condé forçait son envie de briguer un 3ème mandat ? Cette question que se pose aujourd’hui la jeunesse africaine, dépasse bien les frontières guinéennes. Omniprésente, elle a désormais sa place chez le voisin ivoirien. Et ce, sous une autre variante : « pourquoi la crise pré-électorale en Côte d’Ivoire n’a pas autant intéressé la Cedeao ? ».

Entre-temps, c’est bien de son propre gré que la puissante organisation a muté du fœtus d’institution économique, au ténor de gardien de paix.

Ces facteurs qui ont fait basculer l’organisation

En 1990, la Cedeao extrapole sa mission de « promouvoir l’intégration dans tous les domaines de l’activité économique, pour dérober d’autres missions plus ambitieuses. Et cela peut bien paraître extraordinaire. Basculer dans le maintien de paix n’a pas été une ambition vaine. Il y a bien eu des facteurs.

En première ligne, on peut facilement indexer la guerre civile au Libéria. Cette crise a fait réagir les pays membres de la Cedeao. Et le 6 août 1990 à Banjul (Gambie), le conflit libérien a tout de même inspiré l’Ecomog. La tâche est plutôt facile et fait pousser les ailes de l’Ecomog jusqu’en Sierra Leone, en effet en proie à une guerre fratricide depuis 1991.

Sans se poser la véritable question de savoir si elle avait les moyens des nouvelles ambitions, l’institution ouest-africaine va se plaire longtemps dans la nouvelle mission. Et surtout, quand elle va gagner en crédibilité au près de l’UA et de l’ONU. Quoi de plus pour obnubiler une institution ? Au point de lui faire d’une part, oublier les soucis de financement et d’autre part, sous estimer le poids de certaines crises.

L’illustration des limites viendra rapidement, déjà, de la sollicitation de l’extérieur pour financer ses opérations de maintien de la paix. Et on retiendra que c’est la communauté internationale qui a entretenu en janvier 2003, les 1400 hommes de sa mission en Côte d’Ivoire (Miceci).

On n’aurait pas tort d’attribuer à cette faiblesse financière, les échecs cuisants dans le règlement de certains conflits depuis 2004. Au rang de ces derniers, l’histoire retiendra la précarité de la situation libérienne et surtout la suite du coup d’Etat du 14 septembre 2003, qui a renversé Kumba Yalá en Guinée-Bissau.

Et la têtue d’histoire n’a pas fini d’ajouter à ses pages, des doutes sur la capacité de la Cedeao à réussir sa conquête de paix. En tout cas les scénarios électoraux de 2020, auront été non seulement des témoins, mais aussi de potentiels juges. Wait and see.


Présidentielle en Guinée : le vote annulé en Egypte crée la désillusion

La Guinée d’Alpha Condé a voté ce 18 octobre pour élire le nouveau président des six prochaines années. Pendant qu’à Conakry, les bureaux de votes sont pris d’assaut, un autre combat se menait en Egypte pour certains Guinéens. Loin de leur pays, ils ont nourrit jusqu’à la dernière minute, la volonté de participer à ce scrutin historique.


Environ 4 000 Guinéens vivent en terre égyptienne, mais seulement 1770 devaient voter pour élire leur prochain président. A 4637 km de Conakry, le match n’est pas du tout facile à jouer. Des questions déterminantes sont évoquées depuis plus d’un mois avant le jour J. On a pris l’habitude des phrases dilemmatiques comme : « est-ce que je voterai Cellou Dalein Diallo, lui qui a trahit l’opposition ? » ou encore « et si je faisais un bulletin nul ? ».

A ces deux questions, vient s’ajouter une autre : « et si on votait tous pour battre Alpha Condé ? ». Cette dernière a rapidement gagné les esprits. Et ce, grâce à la mobilisation de la branche égyptienne du Front National de Défense de la Constitution (FNDC). Le mouvement FNDC existe bel et bien en Egypte. Il est organisé et « il continue son combat », martèle Abdallah Sow, son coordonnateur fédéral au Caire.

Mais personne n’aura la chance de mettre en jeu sa carte d’électeur reçue à la sueur du front. Car l’élection n’aura tout simplement pas lieu. Et pour les votants, c’est toute une chance de marquer d’un poids décisif, ce moment particulier, qui est annihilée.

La désillusion des votants, pourtant prêts

A l’aube de ce 18 octobre 2020, jour de vote, l’ambassade de la Guinée en Egypte, est vide. On y croise que des fonctionnaires esquivant pour la plupart les questions de journalistes. A l’accueil, les voix balbutient et tentent de dissuader à défaut de pouvoir convaincre.

Les votants, eux, ne se sont même pas donnés de peine. Ils sont restés chez eux, même si leurs noms sont affichés le long des murs dans l’enceinte de l’ambassade. Le scrutin est annulé et la nouvelle a fulminé tôt. « Depuis plusieurs jours, on a donné l’information qu’il n’y aura pas de vote ici en Egypte. Les gens sont bel et bien informés », nous explique Kandé Daouda, l’agent administratif en charge de la communication ce jour là.

Pourtant, vers 11h, on peut lire le désarroi sur le visage des rares Guinéens venus remplir leur devoir civique. « Comment ça, il n’y a pas élection ? on ne m’avait pas informé de cette décision. Et j’ai pris une autorisation spécialement au boulot pour ce vote », s’étonne Ali [nom changé].

Comme, ce Guinéen de 41 ans, d’autres sont pris au même piège. Cartes d’électeurs en main, ils se sont faufilés dans les locaux, à la recherche des raisons de cette grosse surprise. Tel un marathonien qui a manqué le départ d’une course, Fatigua n’a pas pu rattraper la juste information. Après près de 25 min de va-et-vient, cet étudiant de 23 ans sort d’un des bureaux de l’ambassade, désolé : « on m’a juste dit que ça n’aura pas lieu. Et rien d’autre ».

Faute de matériel, pas d’élection

Ici à l’Ambassade de Guinée en Egypte, en effet principal bureau de vote ; l’information est bien protégée. En tout cas, des fonctionnaires savent astucieusement jouer les derniers remparts autour de la boîte à information de Soriba Camara, l’Ambassadeur.

Arrivé dans le hall de l’ambassade à 11 h et 12 min, la première autorité des lieux, semble ne pas être stressée par la situation. D’un air jovial et dans l’humilité totale, il adresse ses salutations et scrute la presse du jour, avant de reprendre la direction de son bureau. Pour son entourage, sa journée sera chargée et pourrait l’empêcher de nous répondre. « Le calendrier de l’Ambassadeur est chargé. Il a plein d’autres rendez-vous. Et vu que c’est un jour d’élection, il doit aussi suivre les événements à distance », prétexte d’un ton dubitatif, Camara Djamal, secrétaire par intérim de l’ambassade.

Pendant ce temps, des voix s’expriment librement du côté de la Commission électorale d’ambassade indépendante (CEAMI). Installée pour jouer le rôle de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), la CEAMI est l’un des témoins oculaires de la déroute du jour. Et ici, personne ne fuit ses responsabilités. Et mieux, quand on représente un parti de l’opposition, on n’hésite pas à se confier. « On n’a pas reçu les bulletins de vote ainsi que les fiches de procès verbaux. Donc sans le matériel au complet, pas de vote », récapitule Abdallah Sow, le rapporteur de la CEAMI.

En fait, personne ne pouvait soupçonner cette brusque annulation du scrutin. Le 4 octobre 2020, tous avaient le signe de la certitude. « Ce jour là, on a reçu une partie du matériel et aussi les 1770 cartes d’électeurs. Jusque là, la CENI nous a rassuré de la tenue de l’élection ici en Egypte », étaye Alassane Camara, un des six membres de la CEAMI.

Même jusqu’ à 17 h 33 min, le bureau de vote attirait encore certains votants. Ils avaient toujours l’unique espoir de se servir de cette précieuse carte. B. S [pseudonyme], fait partie de cette catégorie. Lui qui, finalement accompagnera de son soupir, une désillusion sans pareille : « c’est une occasion de changer les choses qui vient d’être gâchée ».

L’avenir du pays pouvait se jouer aussi en Egypte comme ailleurs

L’annulation du scrutin en Egypte a suscité de vives réactions même si la peur des représailles a étouffé les colères. Et pour ces quelques aspirants au vote rencontrés ce jour, on avait à faire à un scénario de déstabilisation de l’opposition.

Quand une phrase revient à B. S, c’est pour réfuter les raisons officielles de la CEAMI : « c’est du pipo, tout ça. Pourquoi attendre la veille pour annuler le vote ici. Ils savent que nous, on allait fortement les battre dans les urnes ».

B. S ira plus loin en illustrant ses arguments par l’annulation de l’élection présidentielle dans d’autres pays d’Afrique. Très renfrogné, il poursuit : « pourquoi ont-ils annulé au Sénégal et en Angola et autres ? C’est pour empêcher la diaspora de leur foutre la honte. On était plus que prêt», 

Tard à 19h, à la sortie d’une longue réunion à l’ambassade, Abdallah Sow, jette son manteau de rapporteur de la CEAMI et reprend celui du fervent opposant. L’homme aura beaucoup porté sur ses petites épaules. Coordonnateur fédéral du FNDC ; secrétaire fédéral du l’Union Forces Démocratiques de Guinée (UFDG/Egypte) et porte parole du conseil des Guinéens d’Egypte, il a sacrifié ses journées et ses nuits pour cette élection. Sa réputation lui a permis de mobiliser la communauté contre ses adversaires du Rassemblement peuple de Guinée (RPG), le parti au pouvoir.

Cet engagement n’était pas vain et le jeune militant rassure que : « J’ai fait du porte à porte, j’ai fait une campagne publique. La preuve, c’est notre dernier meeting à la veille de l’élection. On était parti pour peser sérieusement dans le résultat final. La diaspora aujourd’hui a cette force de changer les choses. En tout cas ici en Egypte, on était très sûr de battre le RPG d’Alpha Condé ».

Assoiffé d’alternance politique, il reste l’un des plus grands déçus de la sanction du vote en Egypte. « Mais comment on peut comprendre qu’on nous envoie tout le matériel exceptés les PV et les bulletins de vote ? Moi, je suis rapporteur de la CEAMI. Et je me rappelle qu’on a relancé mainte fois la CENI » , rappelle-t-il. A cela, il n’oublie pas d’ajouter : « on dirait que c’est fait exprès et il va falloir peut-être porter plainte contre l’instance habilitée à organiser cette élection ».

Toutefois, Sow remplace vite le regret de ce vote manqué, par l’espoir de voir son candidat, Cellou Dalein Diallo en tête. Il a déjà tourné la page de ce fiasco. Le futur le hante désormais. Un futur qui se jouera autour des résultats définitifs de Conakry.


Le Covid-19 et ses 3 impacts majeurs sur la société égyptienne

La pandémie de Covid-19 fait de moins en moins peur en Egypte. Commerces, mosquées, cafés et bars-chicha s’ouvrent désormais à des heures réglementées et avec certaines restrictions. Mais la société égyptienne ne reste pas indemne des impacts qu’il a apporté…


La vie reprend son cours au pays des pharaons, après des mois de confinement partiel [couvre feu entre 18h et 05h du matin]. Le Caire retrouve petit à petit son empreinte de capitale bruyante et surpeuplée malgré l’esprit timoré de certains. Loin de deviner un « après Covid-19 », les Cairotes s’adaptent déjà à trois changements brusques dans leur quotidien.

Le télétravail gagne du terrain

Pour beaucoup d’entreprises de la capitale égyptienne, le « télétravail » est l’un des moyens les plus efficaces pour ne pas perdre de l’argent. Ce mode de travail trop méconnu avant la pandémie, a finit par gagner du terrain. Dès le début de l’explosion du Covid-19, certaines entreprises n’ont pas eu le choix que de faire travailler une partie des employés depuis leurs domiciles.

En effet, le couvre feu rigoureux empêchait, d’une part, certains travailleurs nocturnes, de se rendre à leur lieu de travail et d’autre part, les travailleurs aux heures classiques, de retourner chez eux à partir de 18h. « Avec le couvre feu, c’était dur. Il fallait soit faire dormir nos employés dans les bureaux, soit trouver le moyen de les faire travailler sans être présents », se rappelle Yassir, un manager des ressources humaines d’un centre d’appel au Caire.

C’est l’élément qui a enflammé l’imagination de plusieurs entreprises. Des centres d’appel et certaines entreprises de télémarketing sont en premier plan avec des couleurs de réorganisation. « Ça a été un grand défi pour les débuts. Il fallait en envoyer certains à l’hôtel, faute d’un bon débit d’internet chez eux, et en suite doter le domicile d’une majorité d’employés d’ordinateurs adéquats pour ce genre de travail », précise Yassir.

Si les entreprises sont sous l’emprise de la réorganisation, les employés eux, apprennent une nouvelle vie et d’autres codes de travail. Et au bout des lèvres, c’est le mot « pression », qui illustre des points de vue bien contradictoires. Pendant que Marouane dit allégrement que : « je travaille sans pression, loin des regards de mon superviseur et c’est ce que j’aime dans le télétravail » ; son collègue Joseph contre-attaque : « le télétravail me rend moins performant, et ça fait monter la pression. Loin du patron, je suis plus que contrôlé. Un petit souci avec l’ordinateur ou internet sera pris pour ma faute. Ils ne vont pas forcément me croire ». Tous deux en fonction chez un sous-traitant d’Amazon, ces trentenaires reconnaissent n’avoir jamais imaginé ce brusque changement.

Très éprises désormais du télétravail, ces entreprises inspirent aussi certaines institutions et ambassades. Ainsi, la Confédération Africaine de football et même la représentation diplomatique de la Belgique en Egypte, ont encore des employés exerçant depuis leurs domiciles.

Les masques usés décorent les rues

Les Cairotes respectent scrupuleusement le port du masque puisque leur santé est en jeu. Mais peu se soucient de protéger l’environnement. L’accessoire le plus utilisé en ce moment ne finit pas toujours dans une poubelle. En plein cœur du Caire, précisément à Ramsès, non loin de la station de Métro « El Shoada », des passants jonchent le jardin public et les terre-pleins de masques usés. On en compte plus d’une vingtaine, rien que dans la moitié de cet espace vert, pourtant régulièrement nettoyé. L’incivisme flagrant va coûter à la nature et à certaines de ses espèces. Un tour au bord du Nil, et le constat est abasourdissant. Des centaines de masques sont prêts à plonger. Mais « il y a pire », nous rappelle Ashraf, un propriétaire de bateaux de plaisance.

Habitué de canotage, cet Égyptien de 44 ans décrit en ses propres termes ce qu’il voit flotter un peu plus loin de la rive : «  le corona est arrivé quand, et les masques, c’est depuis quand ? L’eau est déjà remplie de masques. Ce que vous voyez ici sur le bord du Nil n’est rien. Allez un peu plus loin au fond de l’eau et vous verrez la présence de ces masques. Ça a sérieusement touché la beauté du Nil ».

Le masque chirurgical délaissé dans la nature

A Alexandrie, la deuxième ville du pays, c’est le même son de cloche. La mer méditerranée en prend déjà plein la figure. Plagistes, pêcheurs et plongeurs sont désormais habitués à voir ces masques usés, flottés dans l’eau. C’est une nouveauté qui inquiète depuis peu, et certains en sont très soucieux. « Si en seulement 6 mois ces masques ont traversé toute la ville pour se retrouver dans l’eau, je me demande ce qui va se passer en 1, 2 ou 3 ans. On y pense régulièrement », se questionne Mazen, un gestionnaire d’une plage privée.

La taxe Covid-19 s’impose à tous les salariés

Aussi, la pandémie du coronavirus a-t-elle modifié les salaires autant dans le secteur public que privé. Depuis le mois de juillet 2020, 1% de taxe est appliqué sur tout salaire net supérieur à 2000 livres égyptiennes [soit 71.000 francs CFA, ou encore 107 euros]. Cette décision émane de la loi approuvée par le gouvernement, à la mi-mai 2020. S’il s’agit selon un communiqué dudit gouvernement, de « faire face à certaines répercussions économiques de la propagation du coronavirus ». Cette loi est pourtant sévèrement critiquée. Sous couvert d’anonymat, un topographe s’insurge sans modération : « l’Etat retire 1% de nos salaires, prétendant que cela va aider réparer les dégâts économiques. C’est absurde. Ils avaient déjà mis l’économie à terre. Franchement, ce n’est pas nos 1% qui viendront sauver l’Egypte ».

Comme ce salarié du secteur privé, plusieurs autres Égyptiens se cachent derrière leurs profils « Twitter » pour exclamer leur ras-le-bol. Des retraités comme le Docteur Youssef [nom changé] s’en mêlent de vive voix car les primes de retraite sont aussi visées à 0,5%. « Où sont passés les 2,5 milliards d’euros que le Fonds monétaire international nous a accordé urgemment pour faire face aux problèmes économiques du coronavirus ? », se questionne-t-il.

Et comme il est difficile de protester librement en Egypte, la population apprend tout simplement à vivre avec cet autre dommage collatéral du Covid-19