Covid-19 : des erreurs de diagnostic frustrent des expatriés en Égypte

Article : Covid-19 : des erreurs de diagnostic frustrent des expatriés en Égypte
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30 septembre 2020

Covid-19 : des erreurs de diagnostic frustrent des expatriés en Égypte

En Égypte, depuis l’explosion des cas de Covid-19, plusieurs étrangers d’Afrique noire en particulier, fréquentent moins les hôpitaux. Victimes de diagnostics erronés selon eux, ces expatriés se plaignent dans le silence et optent pour l’automédication.


Originaires pour la plus part de RDC, de Guinée ou en encore de Côte d’Ivoire, ces étrangers racontent leur lutte quotidienne dans des hôpitaux cairotes. « C’est toute une affaire  pour recevoir un soin adéquat. Surtout ici dans les hôpitaux de mon quartier, aucun médecin n’est prêt pour moi », ironise Jean-Noël, un Congolais de 34 ans.

Aujourd’hui, suite à une fatigue chronique, il va se faire ausculter très loin de son domicile situé à Maadi, un quartier populeux au sud du Caire. Il fera plus de deux heures de route pour joindre la clinique privée « Global care » de Sheik Zayed, à l’entrée de la capitale égyptienne. C’est le prix à payer selon lui, pour bénéficier de soin sans le moindre ennui. « C’est tout un sacrifice ce trajet », reconnait-il avant d’ajouter : « Mais je n’ai pas le choix. Mes compatriotes m’ont dit que les médecins de cet hôpital à Sheik Zayed, accueillent bien les étrangers. Donc avec eux, je ne devrais pas avoir des soucis. »

L’inquiétude majeure de Jean-Noël n’est rien d’autre que le diagnostic bâclé dont ont fait l’objet deux de ses compatriotes et amis. « L’heure est grave dans ses hôpitaux. Tu es étranger de surcroit un Noir, on te classe Covid-19 sans test sans aucun diagnostic sérieux. On doit beaucoup faire attention », prévient-il d’un air très sérieux. Depuis l’avènement du Covid-19, cette situation qu’évoque Jean-Noël, s’illustre de plus en plus et met en doute la bonne foi de certains médecins.

Positifs au Covid-19 sans le moindre test

En Égypte, des diagnostics erronés de cas de Covid-19, risquent de mettre en doute les 102 955 cas recensés en date du 28 septembre 2020. Un, deux et trois cas de Covid déclarés positifs ici, se sont avérés négatifs dès le lendemain de l’examen médical. Aucun responsable dans cet hôpital public de Maadi ne veut aborder le sujet. La seule phrase traduite de l’arabe qui nous a été servie frôle le mépris : « Que cherchez-vous au juste ? Ici nous ne traitons pas les malades du coronavirus… Oui, oui, c’est bon. Allez chercher ailleurs, dans un centre spécialisé. Pas ici. Ça suffit je vous dis. »

Suite à cet incident, Jean-Noël, très motivé, décide de nous mettre sur d’autres pistes d’informations. Juste après ses soins à Global Care, il nous fait rencontrer Martin, l’un des victimes d’erreur de diagnostics du Covid. Le 13 juin 2020, une forte fièvre conduisait Martin devant un médecin. Le jeune étudiant congolais se rappelle avoir subit dès son arrivée, le protocole normal et classique de tout hôpital. Tout vire au cauchemar, après une vingtaine de minutes, où il est isolé : « Je ne comprenais plus rien. Je crois vingt minutes après l’examen du généraliste, on me conduit dans une salle au 3e étage et j’y ai passé plus de deux heures sans explications. Et là je me suis mis à stresser sérieusement« , se remémore-t-il.

Même avec le diagnostic établi ce jour-là, Martin ne s’est pas tout de suite de rendu compte qu’il était en isolation pour cause de Covid-19. Ce fameux diagnostic écrit en arabe, il le garde jalousement dans son cartable, en guise d’archives. Et quand il le sort aujourd’hui, c’est dans un style sarcastique qu’il nous l’interprète : « Regardez ça. Tout est écrit en arabe et moi je ne sais pas lis l’arabe. Sur ce papier c’est écrit que moi j’ai le Covid-19 et je n’ai subi aucun test. J’ai échappé au pire grâce à un ami. J’attendais en isolement pour être transféré en prise en charge Covid. Oui si mon ami Ismaël n’était pas intervenu à temps, on m’embarquait sur faux diagnostic. »

Quand la barrière linguistique joue beaucoup contre certains

Si Martin ne connait rien de la langue arabe, Ismaël son ami, lui est un linguophile. Il a facilement adopté la langue officielle de l’Egypte bien qu’étant dans une université américaine où il étudie le droit. Il ne fait pas que parler l’arabe. Il le lit et l’écrit correctement et cela a sauvé Martin de justesse.  Et quand ce dernier s’en souvient, c’est toujours avec un brin d’humour : « Mon ami Ismaël est descendu ce jour-là dans l’hôpital et il a lu ce faux diagnostic. Et il a fait un scandale, pour me sortir de là avant l’arrivée de l’équipe spéciale qui devait me transporté dans un centre Covid-19. Vraiment il les a impressionnés par son arabe bien parlée et j’en étais fier. »

La résistance spasmodique d’Ismaël fait parler de lui dans la communauté noire au Caire. Il n’est pas à son premier acte de révolte contre ce genre de diagnostic dans un hôpital, voire dans une institution. Très taciturne, le jeune congolais craint des représailles.

Contacté au téléphone, il affiche effectivement son angoisse et se désole de ne pas pouvoir donner plus que ces petites phrases : « Je ne parle pas trop de se sujet juste pour éviter les problèmes dans ce pays. Des médecins déclarent trois cas de Covid-19 et à chaque fois on va dans un autre hôpital pour tout un autre diagnostic qui, n’a rien avoir avec le coronavirus. Pour Martin, c’était juste une fièvre qu’on a fini par traiter à la maison sans médecin. Et ce n’est le seul cas. Vous savez, ces gens ne nous respectent pas. »

En anglais comme en Arabe, Ismaël s’est approprié ce combat contre ce que ces expatriés voient tous en « secret de polichinelle ». Et s’il a pu gagner certains de ses batailles, c’est en grande partie grâce à sa maîtrise de l’arabe dialectique d’Egypte. « Si déjà vous ne parlez rien de l’arabe, tout Égyptien peut vous abuser. Pas seulement les médecins. Vous voyez, ils écrivent « cas Covid-19 » sur des diagnostics tout en sachant que les patients ne comprennent rien de l’Arabe. Et s’en excusent finalement quand moi je viens demander où est le test Covid. La langue fait défaut à beaucoup d’étrangers dans ce pays« , clarifie-t-il.

Le pire existait dans les hôpitaux, bien avant le Covid-19

Nous sommes presque face à une omerta. Le mal est présent sous forme d’une discrimination et beaucoup le savent depuis plusieurs années déjà. Des plaintes contre le mauvais accueil,  les diagnostics bâclés ou en encore contre des propos racistes au sein d’un hôpital, ont fait leur chemin jusque dans les bureaux de certaines ambassades. « Nos ambassades ne peuvent rien dans un pays où le droit à manifestation n’est même pas reconnu. Plusieurs se sont plaints aux ambassadeurs en vain. Sinon que les étrangers en Egypte, vivaient ces problèmes bien avant mon arrivée en 2008« , prévient Ismaël. Tout effort de dénonciation n’a donc été qu’un coup d’épée dans l’eau.

Bien avant la crise sanitaire du coronavirus, le challenge dans les institutions hospitalières était déjà de taille pour ces expatriés. Et c’est avec larmes que Doukouré en parle. Cette Guinéenne et mère d’un garçon de 5 ans, a d’ailleurs fait le vœu de ne plus tomber grosse en terre égyptienne. « Si cela arrivait encore, je quitte l’Egypte et je ne reviendrai qu’après la naissance de mon enfant», jure-t-elle. Une des plus atroces angoisses dont-il lui souvienne est la période de son dernier et unique accouchement : « on m’a imposée la césarienne. On m’a vulgairement appelée noire. Et pire, c’est que je devais payer doublement ou triplement pour des analyses parce que je suis étrangère. Oui on me demandait ma nationalité avant de me donner le prix d’une analyse médicale ».

Doukouré n’est qu’une victime parmi tant d’autres. Mais contrairement à elle, certains préfèrent effacer d’un rire, leurs déboires. Et Léonce est de cette catégorie. Sourire aux lèvres, cet Ivoirien et technicien dans un centre d’appel du Caire, se met tout simplement en scène : « Le test du VIH qui est gratuit chez moi en Côte d’ivoire, on me dit de payer 300 livres égyptiennes [équivalent de 10700 Franc CFA]. Et pourquoi ? On me répond bêtement que c’est le prix pour un étranger ».  

L’automédication est-elle une solution ?

Toutefois, ce passé amer transmet à Doukouré une empathie vis-à-vis de ses proches victimes aujourd’hui de diagnostics controversés. En conseillère, elle prêche l’automédication en ces temps de Covid-19 : « L’hôpital en Égypte c’est compliqué pour nous. Vraiment pour mes frères victimes de la mauvaise foi des médecins,  je compati. Tout ce que j’ai à leur dit c’est d’éviter au maximum les hôpitaux en ce moment. Si possible; qu’ils se soignent à la maison. »

Sauf qu’elle ignore ne pas être l’instigatrice de cette idée. Depuis le mois de juin 2020, beaucoup ont déserté les hôpitaux. Et certains n’y vont qu’en cas de force majeur. Ce qui laisse à lire entre les lignes que les dangers de l’automédication pourraient faire surface.

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Commentaires

ADEYEMA
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Intéressant les étrangers noirs sont visés par la discrimination. C'est aberrant ce qui se passe en Égypte.