25 avril 2016

Unis par la langue française

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Logo de l’université Senghor

Derrière les grands murs de l’université Senghor d’Alexandrie, se côtoient 194 auditeurs en Master de 25 différentes nationalités. La langue nationale et la culture sont exhibées sans pour autant empêcher la langue française de jouer son rôle d’unificateur.

La diversité culturelle ne saurait trouver sa preuve la plus probante ailleurs qu’à l’université Senghor d’Alexandrie, opérateur directe de la Francophonie: 194 auditeurs en  master venus de 25 pays avec plus de 40 langues ou idiomes parlés. Le « créole » d’Haïti, le « mina » du Togo,  » le fongbé » du Bénin  » le Lingala » et  » le Swahili » du congo ou encore « l’arabe », raisonnent quotidiennement dans les couloirs du 10ème étage ou même autour des repas de midi. Chaque communauté vante bien son prestige et son identité culturelle. Les béninois le font aussi bien. A table un midi au restaurant de l’université, leur « fongbé » mélé d’éclats de rire ne passe pas inaperçu. Le halo qu’ils créent autour de cette langue nationale parlée surtout au sud et au centre du Bénin, retient toutes les attentions. Aucun regard quel qu’il soit ne semble les dérouter,  mais plutôt les rend fiers comme Abatant : « c’est notre langue, on l’adore comme vous adorez les vôtres », échange MR, une béninoise, contre le léger sourire des uns et des autres. De l’autre côté du restaurant, non loin de leur table, le créole des haïtiens monte en décibel. personne ne se plaint des « Se mwen menm ki plen» «Mwen tès demen», « M ‘ale nan dòmi». et pour la simple raison, rappelle, didi (pseudonyme), étudiant en gestion de l’environnement, « ils sont libres de parler leur langue entre eux. J’en fais pareil avec mes compatriotes. Mais quand on se retrouve en dehors de nos communautés, le français reprend place ».

Le français les rapproche les uns des autres…

La langue officielle de l’université Senghor reste le français. Tous les étudiants en sont pratiquants. Avaient-ils d’ailleurs le choix ? Même les trois égyptiens de cette 15ème promotion savent bien ranger leur précieux arabe quand il le faut.  Saloua Ibrahim, l’une d’entre eux, semble parfois parler en moyenne plus le français que l’Arabe. diplômée d’une licence en littérature française, elle enseignait déjà le français dans une école publique à l’ouest de l’Egypte avant son admission à  l’Université Senghor depuis Septembre 2015. L’usage assidu et quotidien de la langue  française, ne lui arrache nullement sa liberté de s’exprimer en langue Arabe et mieux encore  ses habitudes culturelles. Toujours vêtue de son voile comme le font la plupart des femmes musulmanes en Egypte, Saloua partage bien de forts et intéressants moments de discussion en langue Arabe. Ses longues causeries avec sa compatriote Hoda, ses échanges régulières avec le personnel du restaurant, ou encore sa prestation culturelle lors du 25ème anniversaire de l’Université Senghor, en sont des preuves. Loin d’être une barrière, la langue française est selon elle une chance. elle en parle d’ailleurs avec une assurance mêlée d’un style presque poétique : «  Par la langue française, je vais découvrir la culture des autre et eux aussi viennent découvrir ma culture. C’est grâce à cette même langue que je vais vers eux et eux aussi viennent vers moi ». Sur ces mots, elle n’a certainement pas tort. son libre choix d’appartenir au groupe musical de l’université Senghor reste sa source première d’inspiration. L’accointance entre Saloua et les autres étudiants non arabes est visiblement bonne malgré son caractère taciturne : « Je suis un peu renfermée et je ne parle pas trop, mais comme les autres m’approchent grâce au français que je comprends aussi, je m’ouvre à eux », confirme-t-elle. On ne s’étonne pas de la voir avec les malgaches au marché de Manchéya, où la jeune égyptienne joue modestement un rôle d’interprète.- elle traduit souvent les prix de l’arabe en français-. Ou encore la surprendre au service d’un étudiant béninois pour  une indication géographique.

Grâce au français en commun, les relations entre auditeurs de l’Université Senghor d’Alexandrie semblent  moins compliquées même si parfois certains se sentent plus à l’aise dans leur langue d’origine.

Le français n’a pu leur voler leurs langues nationales…

Le français est certes la langue officielle à l’Université Senghor d’Alexandrie, mais elle n’arrache pas aux uns et aux autres leurs identités culturelles. Le 15 mars dernier à Alexandrie, un accent est mis sur cet aspect lors de la conférence animée par  Philippe Bélaval, président des Monuments Nationaux de France. -la conférence a pour thème : Le patrimoine, de l’identité à l’universel et a connu la participation des étudiants – . « La diversité culturelle ne peut effacer l’identité culturelle, et l’identité culturelle ne peut effacer la diversité culturelle», a rappelé ce jour Albert Lourde, le recteur de l’université Senghor.

Le « wolof » des sénégalais illustre bien la situation. Ils sont 15 auditeurs à l’université Senghor et à leurs bouches, le wolof, -langue la plus parlée au Sénégal- est un leitmotiv. En salle de cours, au restaurant, à la pause, dans le bus de transport commun, le wolof se fait entendre ici au point d’irriter certains. Dans l’anonymat, un camerounais, auditeur au département santé de l’US, ne cache pas ses impressions : « avec les sénégalais ici, c’est un peu exceptionnel. Tu constitues un groupe de trois personnes avec eux et ils n’hésitent pas à se mettre à parler leur wolof. Ta présence ne les dérange même pas. Vraiment je ne comprends pas qu’ils soient autant attachés à cette langue ».

Parler le wolof malgré la prédominance du français, extrapole un simple reflexe. « Au Sénégal, tout le monde parle le wolof. Mais au-delà de cela, il y a des expressions qui ne sont pour nous bien audibles qu’en wolof.  C’est très fort », explique  Gnas avant de préciser : « nous sommes tellement attachés au wolof au point où nous le parlons partout avant de se rendre parfois compte qu’on est avec des gens qui ne viennent pas de chez nous. Et dans ces situations, on se ressaisit en passant rapidement au français pour ne pas frustrer notre entourage ». Les sénégalais ne sont pas les seuls d’ailleurs tous les autres usent librement aussi de leurs langues nationales quand l’occasion s’offre à eux.

A l’université Senghor les langues nationales ont une place. Leur usage n’est pas entériné certes, mais aussi, il n’est pas prohibé. Cela ne saurait l’être lorsqu’on se fie aux propos d’Albert Lourde le 20 mars, jour consacré à la célébration de la journée internationale de la Francophonie. « la francophonie ne menace pas les identités culturelles. Pas de diversité culturelle sans diversité linguistique. La diversité linguistique est ce qu’est le multipartisme dans la démocratie», a-t-il rappelé.

Désormais puînée de leurs langues nationales, la langue française facilite à cette jeunesse, la vie en communauté.

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