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Déscolarisation au Bénin: le phénomène prend le dessus sur la volonté politique

crédit-photo Owarindé Adéyèman

A 1 an de l’évaluation de l’initiative « Education Pour Tous » (EPT), plusieurs enfants exclus du système éducatif, traînent dans les rues de Cotonou comme si l’EPT n’avait jamais été lancée 14 ans plutôt.

 Une balle de foot en main, Jean-Baptiste N’kan, un jeune garçon de 12 ans, comme un vacancier traîne sur le terrain de sport du quatrième peloton de Cotonou. Et pourtant, ce n’est pas la période des vacances. On n’est lundi où des milliers d’enfants de son âge sont à cette heure-là, dans des salles de cours. Que fait-il donc là en ce moment ? « J’attends des amis avec qui je joue à pareille heure », répond-t-il. quelques minutes plus tard, on aperçoit 5 jeunes garçons au portail dudit terrain de sport. Ce sont les amis de Jean-Baptiste : des enfants déscolarisés vivant dans la rue. Après quelques minutes passées à taper dans le cuir rond, le groupe ne pouvant plus supporter les effets du chaud soleil, va se trouver un abri au ras des murs servant de clôture au quatrième peloton. Une pause on croirait, mais non « on est fatigué et certains doivent aller travailler », martèle Jean-Baptiste.

Les travaux que font ces enfants….

Le jeune Jean-Baptiste comme plusieurs autres enfants de rue, vit de petits travaux (parfois pénibles). tôt le matin, il aide quelques revendeuses dans leurs petits commerces. Et cela lui permet de satisfaire ses besoins : « ça me permet de me nourrir et de m’habiller », confirme-t-il tout en mettant l’accent sur les difficultés qu’il rencontre en vivant ainsi : « certaines dames me traitent mal et me récompensent en dessous de ce que je leur ai fait comme travail. Mais moi j’ai la chance de dormir dans le domicile de l’une de ces dames, sans quoi ce serait plus pénible ». Contrairement à Jean-Baptiste, certains vivent une situation moins fameuse. Sur le chantier d’une construction, un jeune garçon surnommé « américain », fait des allers et retours. Un sceau rempli de sable marin sur la tête, son visage reflète sa peine. « C’est très pénible et j’ai mal un peu partout alors que je dois recommencer la même chose demain matin », confie-t-il.

Personne ne semble être sensible aux peines de ce garçon de 14 ans. Le chef chantier se justifie d’ailleurs : « je n’y suis pour rien si cet enfant travaille ici. Il est venu avec un maçon que moi j’ai engagé ». au tour de monsieur Alphonse Adjaï, maître maçon du chantier de décliner toute responsabilité : « personne n’a obligé le jeune « américain » à travailler sur ce chantier. Il est venu de son propre gré »« d’ailleurs, cela lui permet de ne pas se livrer à une quelconque forme de délinquance », ajoute-t-il avec conviction.

Des enfants à la porte de la délinquance…

« Ces enfants sans domicile, représentent un véritable danger pour, nous habitants de ce quartier ». c’est le point de vue de Valdéramane Zola, transitaire vivant dans une rue du quartier Zongo. Dans ladite rue, près d’une quinzaine d’enfants déscolarisés se sont réfugiés et affichent quotidiennement leurs vices. Au nombre de ces vices, Salifou Massaoud, un gestionnaire immobilier se réfère aux petites querelles ; aux petits cambriolages et à la débauche. Nicole Sakpènou, psychologue, tente néanmoins de justifier le cas de ces enfants: « certes ils sont un peu différents des enfants qui vivent encore avec leurs parents, mais ils ne sont pas exactement des délinquants. Toutes formes d’agressivité chez eux, est liées soit au choc qu’ils ont reçu en famille, soit au fait qu’ils sont livrés à eux-mêmes ». face à cette justification, Salifou reste réticent : « ils grandiront avec ces vices puisse qu’ici, personne ne se préoccupe de leur éducation. On les voit souvent comme des étrangers avec des traits de délinquance parce qu’on ne sait même d’où ils viennent ».

Ils viennent souvent des zones reculées du Bénin…

« Si un enfant devient « enfant de rue », soyez sûr qu’il vient d’un village : Abomey, les brousses de Ouidah et villages de Porto-Novo… La plupart avec qui moi je traîne ici depuis l’âge de 11 ans, ne sont pas natifs de Cotonou », déclare Mario Orphé, un « enfant de rue » de 17 ans. Sur une quinzaine d’enfants déscolarisés du quartier Zongo, 10 proviennent des coins reculés du Bénin. Les départements du Mono, du couffo, de l’Ouémé et du plateau sont les plus représentés. Dans ces départements, la pauvreté, l’indifférence des parents ou encore l’apprentissage forcé font fuir certains enfants de leur domicile. Etienne, 11 ans à peine est originaire d’un village de l’Ouémé. Tout seul, il s’est retrouvé à Zongo loin de ses parents et ceci depuis près de 6 mois. Et pour justifier cette villégiature, il raconte : « j’ai voulu être un coiffeur, mais mes parents m’ont contraint à apprendre le métier de vulcanisation. Cela ne me plaisait pas et j’ai pris la fuite un jour ». Le phénomène de pauvreté favorise aussi l’abandon de domicile chez ces enfants.  Etienne confirme cet état de chose : « mes parents m’ont dit qu’ils n’ont pas les moyens pour me signer un contrat dans un salon de coiffure. comme le patron du garage de vulcanisation est un parenté, il n’a rien réclamé comme sous pour le contrat ».

A Cotonou, les campagnes sensibilisatrices et publicitaires, et les actions de l’Unicef ralentissent le phénomène. Ce qui n’est pas le cas dans ces zones reculées où l’indifférence de certains parents ne favorise aucunement la lutte contre la déscolarisation et l’abandon de domicile chez l’enfant. Cela se confirme quand on se réfère à l’une des déclarations du petit Etienne : « depuis, mes parents ne sont même pas venus me chercher. Cela veut dire qu’ils ne m’aiment pas du tout ».


Le football : un sport sucré-salé

Il y a 11ans [26 juin 2003], Foé s’écroulait sur le stade Gerland de Lyon et le monde footballistique n’a eu d’yeux que pour pleurer la mort de ce lion indomptable. En 2014, Albert Ebossé, un autre joueur camerounais, s’est fait tué en Algérie, et encore la consternation totale. Pour le football des milliers de fans ont coulé des larmes. Pour ce même foot un certain Lionel Messi s’est régalé avec 4 ballons d’or ; les français ont jubilé en 1998 et récemment les allemands ont retrouvé le sourire. Enfin, le cuir rond n’est-il pas un sport à la fois sucré et salé ?

Le foot fait sourire Messi, mais fait pleurer David Luiz

« Goal » !!! Ce mot anglais souvent, se relie à un des plus fréquents cris des férus du cuir rond dans les grands stades. Nul ne se retient de manifester ces moments de gloires. Mêmes les journalistes ivres de joie, crient « goal ! » et ne se retiennent plus. Ceci illustre bien le côté sucré du sport roi. La plus probante des illustrations reste peut-être la finale de la coupe du monde 1998. Ils raisonnent comme si c’était hier, dans la tête des 80 mille spectateurs présents ce 12 juillet 1998 au stade de France, la jubilation de Thierry Roland : « je crois qu’après avoir vu ça, on peut mourir tranquilles. Enfin, le plus tard possible, mais on peut. Ah c’est super ! Quel pied ! Ah quel pied ! Au putain, oh la la la la la ! » . Et quand est venu le moment opportun pour  Didier Deschamps, le capitaine de l’équipe de France à l’époque de soulever la belle sculpture de Silvio Gazzaniga, la joie de Zizou, Petit, Djokaef, Thuram,  Vieira, Désailly, Barthez et autres était incommensurable. L’effervescence du stade Saint-Denis reflétait une fois de plus ce côté sucré du football.

Le plaisir de jouer dont fait preuves les 22 acteurs sur un terrain est souvent bien accueilli par le plaisir des milliers de spectateurs à les suivre. C’est au tour du football que, se croisent et se vivent les passions les plus fortes et les plus belles. « il n’y a que la musique et le football qui peuvent attirer 80.000 personnes dans un stade, mais dans un concert il n’y a qu’un artiste, alors qu’ils sont 22 dans le football », en témoigne Jérôme Valcke, le secrétaire général de la FIFA, lors de sa déclaration au stade Maracana. L’évidence est que grâce au football un certain Didier Drogba a arrosé de joie le cœur des supporteurs de Chelsea en 2012 [ndlr : finale de la league des Champions entre le Bayern de Munich et Chelsea FC. Chelsea remporte ce match après les séances des tirs au but. 1-1 à la fin des prolongations]. En ces instants là, des centaines de supporters (hommes et femmes), faisant fi de leur différends et différences sociales, ont extériorisé leur joie et on dansé au son du football. Pour eux « Drogba nous a enfin donné ce qu’on a tant cherché ».  Ce jeu, a marqué dans le sens positif du thème, au tant les supporters que les pratiquants eux-mêmes. On se rappelle sans doute l’état d’âme de Lionel Messi, quand il est monté à 4 reprises au sommet du foot mondial. Lionel messi ballon d’or 2009, Lionel messi ballon d’or 2010, Lionel messi ballon d’or 2011, et encore Lionel messi ballon d’or 2012. On a aussi les souvenirs de France 98. Joueurs, supporters et même téléspectateurs ont goûté à la faveur offerte par la FIFA. C’est tout un monde qui a joué comme l’a prophétisé d’ailleurs le slogan de France 98 : « C’est beau un monde qui joue ».

Mais loin d’être que du miel, le foot sous d’autres cieux est très (très) amer, et a fait pleurer plus d’un.

Bien sucré, mais également salé…

Marc Vivien Foé reçoit une médaille à titre posthume
Marc Vivien Foé meurt lors de la coupe des confédérations (2003) ,laissant tous dans la consternation.

On a vu plusieurs fois, des supporters et mêmes des joueurs pleurés après une défaite. L’amertume dans ce cas n’est que superficielle et reste en quelque sorte une partie du jeu. « Ça fait partie du football », dit-on souvent. Mais il y a des blessures plus profondes qui, marquent à vie. Des actes à l’image du hooliganisme et des agressions tout azimut à l’encontre des joueurs et supporteurs, provoquant parfois leur mort, font-ils partie du football ?  Eh bien ! Kamel Yesli, milieu de terrain de la JSK (Club de première division Algérienne) répond non. Ecoeuré par la mort de son coéquipier Albert Ebossé, Kamel Yesli a expliqué au micro de RFI que : « quand il y a mort d’homme, ce n’est plus du foot »Bien avant Albert Ebossé, mort le 23 août 2014 après avoir reçu une ardoise tranchante sur la nuque ; d’autres joueurs ont malheureusement goûté au côté salé du cuir rond. Coupe du monde 1994 ! la fête n’a pas manqué d’être l’une des plus belles. Sauf qu’à la 34ème minutes de jeu du match USA-Colombie, Andrés Escobar coupe dans sa surface un centre venu de la gauche et du coup fait trembler ses propres filets : 2-1 pour les USA et les colombiens sont éliminés. Cette erreur « footballistique » va pourtant être funeste pour Escobar. De retour au pays et précisément le 2 juillet 1994, le défenseur colombien est sauvagement assassiné dans sa ville natale, pendant que les huitièmes de finale de la coupe du monde suivent leur cours aux Etats-Unis. Pour le foot, Andrés Escobar a affronté 12 balles et en est mort. Pour le foot, Marc Vivien Foé est mort. Et toujours pour ce foot, un certain Kodjovi Dodji Obilalé est resté collé dans une chaise roulante pour le reste de sa vie, après l’agression dont ont été victimes les éperviers du Togo le 8 janvier 2010 dans l’enclave angolaise de Cabinda. La CAN 2010 s’est ainsi achevée pour Emmanuel Adébayor et ses coéquipiers, mais c’est toute une carrière qui est partie en fumée pour Obilalé, l’ancien gardien de but de la GSI Pontivy (France). «Je ne dors plus la nuit. J’ai encore des séquelles. Là, j’ai mal au dos et au pied. Cela arrive souvent. Je fais des malaises régulièrement. Je suis fatigué… Aujourd’hui, j’ai encore mal. Je suis déjà mort, un mort-vivant.»,a-t-il confié à Slate Afrique

Emmanuel Adébayor en larme, juste après le drame de Cabinda

Mohamed Aboutreika, le milieu de terrain d’Al Ahly ne pourra aussi jamais oublier ce 1er février 2012 ; jour où un simple match de football a tourné en tension. Des supporteurs d’Al Masri lancent des pierres, des bouteilles et des fusées éclairantes contre ceux d’Al Ahly, déclenchant des émeutes dans les tribunes et sur la pelouse. Bilan : 77 personnes trouvent la mort à Port-Saïd. Frappé de stupeur, Mohamed Aboutreika n’a pas hésité à décrier ce comportement. «Ce n’est pas du football, c’est la guerre. Des gens meurent devant nous. Il n’y a pas de dispositif de sécurité, pas d’ambulances», a-t-il raconté sur la chaîne de son club. Quand on se réfère à ces propos, il manque visiblement des dispositions de la part des autorités et instances du football pour éviter empêcher le hooliganisme par exemple. Et les questions que se posent les observateurs et amoureux du foot sont sans doute : Comment les supporteurs pénètrent-ils les stades, munis de projectiles ? les stades ne sont-ils pas sécurisés ? La CAF et les fédérations n’allouent-t-elles pas un budget considérable à la sécurité à l’intérieur et autour des stades ? le hooliganisme n’a-t-il pas fait trop mal au foot pour qu’on y mette grande fin ? les hooligans se croient-ils amoureux du sport roi ?

Ce dont-on peut être sûr, est que les vrais amoureux en ont marre. Et depuis la récente mort de Ebossé, tous ont eu la confirmation de la maxime qui stipule qu’ « il n’y a pas de métier sans risque ». Le football comme tout autre métier, est un métier à risque. Bien sucré mais également salé.

Par Owarindé Adéyèman


Ces soldats qui attendent pour Kidal

crédit photo-Owarindé Adéyèman
Les soldats béninois se préparent pour les exercices physiques

Peur au ventre, arme en main, tête ailleurs, 140 soldats béninois s’apprêtent pour Kidal.

La crise malienne, à son stade, réclame-t-elle toujours des soldats ? Tout compte fait, Kidal ne s’est pas encore débarrassée de tous ces hommes appelés pour le maintien de la paix. L’objectif semble se poursuivre surtout lorsque le Bénin s’apprête à envoyer 140 autres hommes formés pour la cause. Mi-septembre 2013, le quatrième peloton du camp Guézo à Cotonou est pris pour base. Au total, 140 soldats béninois y logent. Loin d’être une caserne, c’est un simple camp d’entrainement pour leur prochaine mission sur Kidal. Tous sont assidus et motivés quelque que soit la taille des exercices à maîtriser avant le départ pour la nouvelle poudrière d’Afrique de l’Ouest. Les 140 soldats ont bel et bien consommé le menu des exercices et le bilan est riche et pas mal selon Rako [pseudonyme], un maréchal des logis-chef de l’armée béninoise. Il raconte : « Le bilan a été vraiment positif. Nous constituons une troupe de jeunes éléments qui assimilent vite afin de mieux s’aguerrir avant d’aller pour cette mission de paix. Il fallait cette étape pour se préparer psychologiquement aussi ». Comme il le dit, durant une longue période, ces « futurs hommes » du Mali ont tous eu leur dose. Déjà, l’étape « quatrième peloton » n’est qu’une parmi tant d’autres. Avant leur arrivée au camp Guézo, les 140 soldats ont connu les préalables qu’implique toute mission onusienne. Dans un style laconique, Rako explique l’avant-quatrième peloton : « Pour toutes les missions onusiennes, il y a des préalables à prendre et des mises en condition. Aussitôt appelés, nous avons fait l’ACOTA (Africa Contingency Operation of Training and Assistance). Après cela, nous sommes allés au camp de cohésion avant d’entamer les préparations matérielles ».

Les réalités du quatrième peloton…

Au quatrième peloton, les préparations matérielles suivent leur cours. Elles consistent à mettre en place les véhicules roulant à 4 pieds, les gros engins, les armes et munitions sans oublier « l’alimentation qu’il faut mettre en place avant d’aller sur le théâtre des Nations unies », a rappelé Rako. Concrètement, l’étape du quatrième peloton vise la cohésion des forces au niveau du maintien de l’ordre et des interventions professionnelles. Il s’agit en effet de « mettre tous les éléments en condition. Ici on n’a pas l’intention de travailler en binôme. Nous constituons une troupe qui va intervenir sur un terrain. Par rapport à ce terrain, il faut une cohésion au sein de notre troupe », explique Rako. A l’aube, tous en uniforme, les soldats se dirigent vers le terrain de sport du quatrième peloton pour un long épisode de footing. S’en suivent les exercices de maintien de forme dans une ambiance de chants traditionnels « dans l’espoir de se débarrasser du stress », à en croire les propos de Rako. L’après-midi est plus spectaculaire. Les 140 hommes font fi de l’accablant soleil et enchaînent les exercices purement physiques, et techniques. Et quand le maréchal des logis-chef Rako s’en souvient, il mentionne surtout les « interventions professionnelles ». « A travers ces multiples séances sur les interventions professionnelles, on a revu : comment frapper les coups de main, comment aller enlever les barricades. Comment intervenir par des engins lourds… »

On se rapproche pas à pas de Ki-dal. Et plus que jamais, nous sommes tous convaincus de ce départ quand on sait qu’à la base, la logistique est prête. Pas moins de 22 véhicules mis à disposition : 6 camionnettes blindées, 6 géants pick up, 9 petits pick up et un camion-citerne qui seront tous transportés par un cargo onusien.

 Les instants d’avant embarquement…

Crédit photo-Owarindé Adéyèman
Le matériel roulant prêt pour Kidal

Les terrains de combat ne sont pas faciles à vivre. Les journalistes meurent, les soldats aussi. Mais ces derniers, une fois engagés, n’ont plus le choix quand bien même la peur de la guerre alimente les âmes. Dans l’anonymat, un adjudant des forces armées béninoises, revenu saint et sauf de la mission de l’Onuci, quelques années plus tôt, confie : « Quelle que soit votre passion, la peur vous alimente depuis le jour où vous embarquez ». Mais ici, au quatrième peloton, on est encore loin de l’embarquement et pourtant, les visages n’arrivent pas à cacher la crispation et l’anxiété des soldats retenus pour Kidal. Les raisons sont multiples. Les uns lient cet état d’âme au fait que la guerre n’est pas une chose facile. Et pour d’autres, « Kidal est une poudrière sans pareil pour le moment ; il faut s’en méfier ou carrément s’en abstenir ». Il y a peut-être de quoi se méfier de Kidal, la ville de tous les dangers. Se référant donc à la particularité de ce terrain de combat, où les djihadistes tirent sur tout ce qui bouge, Sédu [pseudonyme], un jeune soldat entraîné pour la cause, dévoile son embarras : « Certes, je suis prêt pour Kidal, mais j’avoue en toute franchise que j’aurais préféré la Centrafrique s’il fallait faire un choix ». D’une voix très convaincante suivit d’un léger sourire, il poursuit : « A Kidal, il y a des hommes sans cœur qui tuent tout le monde et surtout les soldats qu’ils soient d’ailleurs ou du Mali. Mais en Centrafrique, deux clans qui craignent les soldats se battent ». « Non ! », infirme dans l’anonymat, un membre du premier contingent au Congo en 2005. L’expérience congolaise lui fait voir autrement la situation : « La peur c’est le stress. Et parlant de stress, nous sommes aguerris et formés par rapport à ça. Ça ne nous dit absolument plus rien. Nous intervenons en tant que force des Nations unies, donc protégés par certaines conventions qui empêchent les forces armées rebelles d’agir sur nous. Nous sommes là juste pour la paix ».

Le stress, un compagnon inévitable…

La question du stress semble être inévitable. On compare même la situation à celle d’un match de football, où il y a toujours un coéquipier envahi par des moments de faiblesse. Face à ce cas, « il faudra juste de petites prières et surtout des chansons pour aider les peureux à surmonter la peur », a laissé entendre l’ex-membre du contingent congolais. Petites prières et chansons restent certes des remontants pour ces soldats, mais aucun remède jusque-là pour débarrasser leurs parents et proches des inquiétudes. « Au niveau de la famille, ça fait moche et elle nous met trop de pression. Ce qui répercute beaucoup sur notre moral » confie le maréchal de logis-chef, Rako. Parfois, on a envie de tout abandonner, surtout lorsqu’une partie des remontrances des proches, enfants et amis retraversent le cerveau. Même les expérimentés qui pensent être dotés d’un courage inébranlable, se retrouvent quelquefois soudés au stress comme des bébés siamois. Cette évidence est juste une confirmation des propos de l’ex-soldat de l’Oz « Quelle que soit votre passion, la peur vous alimente depuis le jour où vous embarquez ».

De peur que leur moral reçoive un grand coup, chacun prie vivement pour que le mystérieux jour d’embarquement vienne. Lequel jour, « est au secret des chefs », selon le maréchal des logis chef Rako.



Radio Foot Internationale : l’émission qui renforce la fraternité de 5 jeunes

Photos/Blackbery-Owarindé
5 frères attentifs autour d’un poste récepteur à l’heure de Radio Foot

Plus qu’une émission, Radio Foot Internationale reste pour certains un symbole d’unification qui renforce leur fraternité et amitié.

Leurs études ou encore leurs professions respectives éloignaient des frères les uns des autres jusqu’au jour où ils ont connu autrement « Radio Foot Internationale », une émission de RFI. Et depuis ce temps, chaque soir du lundi au vendredi, je les retrouve plus que jamais unis.

David, Timothée, Michael, Djos et Jacob sont 5 frères d’une grande famille. N’eut été Radio foot internationale, leur fraternité aurait pris un grand coup. « Des années plutôt, bien avant qu’on ne commence par suivre cette émission sport de RFI ensemble, je n’avais presque pas une occasion pour discuter avec mes frères.  Et vice-versa. Tôt le matin, chacun vaquait à ses occupations, moi j’aillais à l’université et le soir on rentrait tous fatigués, chacun dans sa chambre. La seule chose qu’on ne manquait pas de faire était : les salutations. Tout était entrain de devenir bizarre entre nous jusqu’au jour où j’ai arrêté de suivre Radio foot, seul dans ma chambre », raconte Jacob, le plus jeune.

Jacob connaissait Radio foot internationale depuis 2012, mais il l’écoutait tout seul via son téléphone portable avec des écouteurs dans les oreilles. Ses frères en faisaient pareil. A l’entendre, cette façon discrète d’être auditeur les a tous rendus distants pendant des années. Il s’explique : « entre 2012 et 2013, ce n’était plus trop la fraternité entre mes frères et moi. Je quitte les cours et déjà à 19h 30mn je suis à la maison. Juste après ma douche et le dîner, je retourne dans mon lit et toute mon attention est figée sur 21h 10 (TU), l’heure à laquelle commence la rediffusion de Radio foot international. Là, personne ne pouvait plus adresser la parole à l’autre. Et ça fait au lendemain pour un bonjour ou un bonsoir. Mais aujourd’hui il y a un grand changement». Le lien sacré entre ces 5 frères a pris un grand coup pendant presqu’un an avant que leur émission favorite ne vienne tout changer.  Tout a commencé un jour férié. « Ce jour, on était tous à la maison puisque c’était chômé. Donc on a eu la chance de suivre radio foot en direct à 15h 10 (TU) dans le grand salon et cette fois-ci, plus via nos téléphones portables, mais via un géant poste-radio qui faisait presque trembler les mûrs de la chambre (sourire…)», s’en souvient très bien David. « la vive voix d’Annie nous a tous sorti de nos chambres après que mon frère Jacob ait mis en marche le poste-radio du salon. Le volume était trop mais personne n’a pu résister. On a laissé nos égaux de côté et on a rejoint Jacob dans le salon. Depuis ce jour, que ce soit à 15h ou à 21h, on écoute ensemble Radio foot et cela a consolidé notre relation fraternelle », poursuit-il.

Il y a plus que jamais une forte union entre eux et cela ne passe plus inaperçue. Le mardi 7 octobre 2014, j’ai moi-même eu la confirmation. Sur rendez-vous, je me présente chez les 5 frères à 21h 13 (TU). Déjà, j’ai accusé un retard de 3 minutes. Je prends place et je fais le décompte : les 5 frères et 4 autres de leurs amis. Un calme total règne dans le grand salon. Même plus un mouvement de qui que ce soit.  « eh ! Qui fait ça ? », a été la réaction de Djos, lorsque leur petit neveux traînait ses pas sur la terrasse de la maison. Il justifie cette brusque et vive réaction : « Quand on suit cette émission, c’est le calme total. Plus de geste, plus de va et vient dans la chambre et dans l’entourage. Les commentaires et autres sont réservés pour la fin ». La discipline s’impose, mais laisse quelques fois place aux rires.

Quand Annie Gasnier aborde par exemple le sujet « Wenger-Mourinho », tous sont bien concentrés mais n’ont pu retenir leurs rires et grimaces suites au propos de Mourinho en élément sonore : «C’est un spécialiste de l’échec, pas moiS’il a raison et que j’ai peur d’échouer, c’est parce que ça m’est rarement arrivé. Peut-être qu’il a raison, mais peut-être que je n’ai pas l’habitude d’échouer. La vérité, c’est que lui est un spécialiste. Huit ans sans le moindre trophée, ça c’est un échec. Si ça m’arrivait à Chelsea, je quitterais Londres et je ne reviendrais pas».

Place aux commentaires…

C’est déjà la fin de radio foot. Personnes d’entre ces jeunes ne rentre automatiquement chez lui. Tous se dirigent vers la cour. Les commentaires jaillissent de part et d’autre. Les 5 frères qui, des années plutôt ne s’adressaient presque plus la parole, retrouvent un sourire commun et ont la même opinion au sujet de Wenger et son Arsenal. Pour eux, Arsène Wenger en fait de trop. Dans une grande complicité, ils ont même traité le coach des Gunners de « récidiviste ». « ce n’est pas pour la première fois que Wenger agit de la sorte. Les journalistes l’ont dit tout à l’heure dans radio foot. Donc avouons qu’il n’a pas raison. Personne n’est contre lui, mais il est en faute », tentent de justifier David et Timothée. Là encore, on remarque l’unité des 5 frères, qui se soutiennent dans un débat contre 6 autres jeunes du quartier. Les esprits se chauffent et le débat devient plus bruyant. Dans un style sarcastique, Michael fait appel à ses frères : « Jacob, David, Timothée, Djos; allons discuter dans la chambre. Ceux là ne connaissent rien du football. On dirait même qu’ils dormaient quand l’émission passait. On y va ». Dans un style propre à eux, les 5 frères s’éclipsent de la scène avec toute la fierté d’être des accros de Radio foot Internationale.